Vu dans "Parents" n°447 - Novembre 2008.
"Saisie par la ministre de la santé, Roselyne Bachelot, la Commission nationale de la naissance devrait rendre fin octobre un avis sur les pratiques des doulas. Il "permettra à terme de positionner cette activité au regard des rôles des professionnels médico-soignants", indique le ministère.
> Une mise en examen sème le trouble.
Ces accompagnantes de la naissance réclament un statut officiel, mais la récente mise en examen d'une "vraie fausse doula" ne devrait pas plaider en leur faveur. Cette femme de 58 ans a aidé, fin Août, une mère à accoucher à son domicile d'un bébé qui est mort trois heures après sa naissance. Une enquête a été ouverte pour recenser tous les accouchements qu'elle a effectués en Ariège. Deux autres décès de nourrissons sont en cours d'investigation. Cette femme se faisait passer pour une sage-femme avec un diplôme américain auprès des familles, mais avait fait acte de candidature auprès de l'association Doulas de France.
Selon une de ces responsables, elle n'avait pas été retenue.
>Les professionnels de santé très réservés.
L'Académie nationale de médecine a rappelé qu'elle avait déjà mis en garde contre les pratiques des doulas. Une cinquantaine seraient en exercice et une centaine en formation.
L'Académie, hostile à une reconnaissance officielle de cet accompagnement non médical, a exprimé à nouveau sa crainte d'un retour aux accouchements à domicile.
Même son de cloche du côté du Collège national des gynécologues obstétriciens et de l'Ordre national des sages-femmes.
Mais tous reconnaissent que l'émergence des doulas en France pose une vraie question sur l'accompagnement des femmes, actuellement insuffisant."
Il est un peu curieux de voir que, d'un côté l'Académie nationale de médecine est hostile à la reconnaissance officielle des doulas, et que de l'autre ils condamnent ce qui s'est passé dans l'Ariège... parce que s'il y avait une reconnaissance officielle des accompagnements non-médical à la naissance, avec un cadre précis, ce genre de "dérive" n'aurait peut-être pas eu lieu.
Quant à cette "femme" qui a été mise en examen, elle est, suivant les journaux, un jour "vraie-fausse doula", un autre "fausse-vraie sage-femme", alors que d'après ce qu'on en sait, elle serait vraiment sage-femme mais avec un diplôme américain, donc nullement doula comme on veut nous le faire croire depuis le début...
...et aussi dramatique qu'est cette histoire, tant qu'on ne sait pas de quoi est mort ce bébé, on ne peut pas lui en imputer l'entière responsabilité ... le décès de ce nouveau-né aurait aussi bien pu se produire de la même manière si la maman avait accouché à l'hôpital !!!
Et (c'est même souligné dans l'article), l'association des Doulas de France n'avait pas retenue sa candidature...ce qui, je pense, leur accorde un certain sérieux quant au choix des personnes qu'elles sélectionnent.
De plus, je tenais aussi à réagir sur "l'Académie de médecine exprime à nouveau sa crainte d'un retour aux accouchements à domicile"...
Il faudrait quand même arrêter de nous présenter l'accouchement à domicile comme un truc vieillot et rétrograde...
Non, l'accouchement à domicile ce n'est pas un retour en arrière, c'est au contraire une avancé, un choix muri et responsable que de plus en plus de parents sollicitent.
D’ailleurs le CNOSF (Conseil National de l’Ordre des Sages-Femmes) l’a même fait remarquer dans son bulletin « contact sage-femme » n° 15 du mois d’avril (p16) :
http://www.ordre-sages-femmes.fr/actualites/bulletins/contact15def.pdf
"Un grand nombre de femmes refuse une prise en charge médicalisée de l'accouchement argumentant que l'accouchement est un phénomène normal.
• Les sages-femmes libérales font l’objet de demandes d’accouchement à domicile, de plus en plus nombreuses.
• Par courrier électronique, le Conseil national de l’Ordre des sages-femmes a, tous les jours, des demandes de ce type de prise en charge de la part de futurs parents.
• Ne trouvant pas de sage-femme ou de très rares sages-femmes assurant l’accouchement à domicile, des femmes prennent le risque d’accoucher toutes seules, ou seules avec une doula, voire appellent la sage-femme libérale au tout dernier moment, mettant la parturiente, le nouveau-né et la sage-femme dans une situation de risque maximal...
• Force est de constater que l’offre de soins, dans le domaine de l’obstétrique, doit changer. »
Alors on fait quoi avec ces parents qui veulent autre chose?
On les oblige à avoir un accouchement hyper-médicalisé en structure, coûte que coûte?... ou enfin on se décide à les écouter et à leur apporter une solution qui leur convient!
Parce que l'Académie de médecine, le Collège national des gynécologues obstétriciens ou l'Ordre national des sages-femmes pourront interdire toutes les pratiques qu'ils veulent, cela n'empêchera nullement les parents désireux d'autre chose d'y avoir recours.
Au-delà du drame de l'Ariège, se cache un autre problème de plus grande ampleur: celui de la non considération des parents qui veulent autre chose que les accouchements en structure...
… et tant qu'on ne les écoutera pas, il ne faudra pas s'étonner s'ils se tournent vers des sages-femmes "venues d'ailleurs" ou des personnes se faisant passer pour des "doulas" ou autre pour les accompagner dans leur projet.
Mettre plus de personnel dans les maternités...c'est une bonne idée...mais cela ne résoudra pas le problème des parents voulant des accouchements à domicile ou en maison de naissance.
Ne pas écouter le souhait des parents...voilà le vrai drame!
...et si des personnes veulent avoir un accompagnement non-médical à la naissance, au nom de quoi ne pourraient-elles pas en avoir un, si c'est leur souhait!
Ne pas reconnaitre les doulas et ne pas écouter les parents qui veulent des accouchements à domicile ne régleront aucun problème, au contraire cela en créera de nouveau.
L'Académie de médecine, le Collège national des gynécologues obstétriciens ou l'Ordre national des sages-femmes devraient écouter les parents pour une fois, au lieu de s'écouter eux-mêmes!
Bref, tout aurait contribué à l'émergence des doulas. Pour le moment, leur audience est marginale et toucherait surtout "les couples issus de la classe moyenne ou supérieure vivant en ville". Cent trente-huit naissances auraient été ainsi accompagnées en 2006, parmi lesquelles 34 % auraient eu lieu à domicile. Ce dernier aspect préoccupe particulièrement l'Académie. Tout comme les risques de "retard d'hospitalisation", d'"emprise", voire "de déviance plus ou moins sectaire". "Doit-on tolérer une profession fixant elle-même ses règles ?", s'interroge l'Académie, qui "met en garde contre toute reconnaissance officielle de la formation et de la fonction des doulas".
Constatant que l'existence de ces "accompagnantes" est le signe d'un déficit de prise en charge personnalisée des femmes enceintes, les membres de l'Académie demandent "un renforcement des effectifs de sages-femmes pour leur donner plus de disponibilité et leur permettre de mieux accompagner" les futures mères. Ils réclament également un "développement, notamment dans les régions rurales, de postes de sages-femmes de la Protection maternelle et infantile", ainsi que "la promotion d'aides et de sages-femmes à domicile".
Dans ses recommandations, l'Académie "prend acte" de l'expérimentation des "maisons de naissance" parmi les nouveautés censées améliorer le soutien et le confort psychologique des femmes. Maintes fois évoquées par le ministère de la santé, ces maisons restent, pour l'heure, à l'état de projet.